Écrire pour…écrire
Il y a ceux qui savent…peut-être sont-ils nés avec la plume à la main !
Il y a ceux qui voudraient bien mais qui n’osent pas, qui croient qu’ils ne savent pas et qui sont impressionnés par ceux qui savent. Cette page est pour ceux là qui voudraient bien écrire mais qui se disent « c’est pas pour moi ! ». Cette page leur est ouverte afin qu’ils puissent écrire …pour écrire, sans objectif particulier, sans performance de haut niveau, même pas pour ce qu’ils auraient à dire ! juste parce que, pour que naissent les écrivains, il faut bien qu’existent des lecteurs et pour que naissent les lecteurs, il faut qu’il y ait des écrivains. Et si certains se laissaient tenter par l’écriture après avoir eu le plaisir de lire ! et un jour peut-être parce que leur plume se sera enfin déliée, ils pourraient se mettre à écrire, ce qui les peine ou ce qui les émerveille, ils pourraient même le proposer à d’autres lecteurs et qui sait…ils pourraient être lus !
Je vous propose cette petite histoire qui n’est pas un conte, mais qui raconte…
…une scène de la vie de tous les jours
Dimanche après-midi, soleil dans un parc au cœur de Paris, douceur d’un temps de partage tranquille…Tout en bavardant, j’observe autour de moi. J’aime regarder l’humain, imaginer la vie des gens ; parfois je m’émerveille de petits gestes de tendresse, parfois je sens colère ou tristesse devant la dureté de la vie.
Un enfant, 8 ans, joue inlassablement avec un petit avion. Il le lance dans les airs avec un élastique, comme les lance-pierres, et il vole, plane au-dessus des têtes avant d’atterrir, là où le vent l’a conduit. Je me dis que cela pourrait bien être dangereux, s’il lui prenait d’atterrir sur la tête de quelqu’un. Mais personne ne semble apeuré et même quand il effleure un nez ou une oreille, nul ne réagit. Je ne suis pas dans la trajectoire, alors je garde ma crainte et laisse tournoyer mon regard sur les ailes de l’appareil poussé au gré du vent. L’enfant semble ravi et jamais ne s’ennuie à répéter ce geste sous le regard d’un père présent et silencieux.
Dans le même espace un autre père, un autre fils. Ça bouge, ça court, ça crie tout en lançant le ballon à bout de bras ou coups de pieds. Ce père-là, on le voit et je me dis que cet enfant gardera le souvenir d’un père qui sait passer du temps pour transpirer avec lui ! On ne peut dire qu’ils soient trop respectueux de notre espace ; il prend parfois au ballon l’audace de passer entre nos jambes mais ma foi, il reste au sol, le soleil est à tous, profitons de cette heureuse journée de plein air et partageons l’espace aimablement.
L’ennui serait-il venu si rien de plus n’était arrivé ? L’avion n’en faisant qu’à ses ailes vient de tout son élan percuter la tempe de Madame l’épouse de Monsieur qui court. Celui-ci court vers Madame, il a très peur, est-elle blessée ? Il s’emporte, il crie, il hurle sur l’enfant malheureux d’un tel accident, attrape l’avion et le brandit avec toute la colère que sa peur a fait jaillir. Il insulte avec mépris le père silencieux ; qui donc peut avoir l’idée de jouer avec ce genre d’objets dans un lieu public ! Surprenant de voir une telle rage face à un tel silence. Le père et l’enfant ne se défendent pas, n’essaient pas de récupérer l’avion ; le père se contente de tenir son enfant contre lui et de lui caresser les cheveux.
Cet enfant se souviendra que son père ne savait peut-être pas bien le défendre, mais qu’il était là, présent pour le soutenir dans la traversée du chagrin devant la perte de son jouet bien aimé.
L’autre se souviendra que son père sait imposer sa loi et punir celui qui par mégarde ne s’y plierait pas.
Au plus fort de la crise, un éduc, la cinquantaine, cheveux longs, barbe de deux jours, jean, baskets, joue au volley avec une bande de jeunes ados. Ils se sont tous approchés, je n’ai pas compris, sans entendre leurs paroles, dans quel sens ils intervenaient ; ils ont repris leur jeu, mais je vois bien qu’ils ne cessent d’observer le groupe des deux pères et des deux enfants pendant que la mère se rafraîchit le visage et cherche à retrouver ses esprits après le choc.
La famille se lève et s’en va et Monsieur « Je suis le plus fort et je fais la loi » n’est pas décidé à rendre l’avion. Je suis triste pour cet enfant qui n’a rien compris. N’est-ce pas aux adultes de prévoir les dangers ? Qu’a-t-il fait pour mériter ainsi de perdre ce qui lui appartient ? Quel sentiment va faire naître une telle injustice ? En moi, ça se révolte mais je n’ose pas aller dire et défendre cet enfant. Je comprends aussi combien cet homme a eu peur pour sa femme et j’ai vu comment la peur fait naître la violence en une seconde.
Alors, surprise, joyeuse, geste de justice, sans brandir les pancartes de revendications ni afficher haut et fort les droits de l’homme, les jeunes et leur éduc s’approchent et tout simplement interpellent le père : « allez monsieur vous pouvez lui rendre son avion au gamin ! » et le père se retourne va vers l’enfant. J’ai cru qu’il allait jeter l’avion dans la poubelle tout près d’eux, mais non, il lui donne de la main à la main.
Nouvelles émotions qui me font vibrer : de l’amour pour la vie, de la joie. Ceux qu’on appelle « les jeunes des rues » nous montrent combien ils peuvent avoir du cœur, un homme qui réagit dans la violence peut aussi revenir vers l’autre. Nul n’est tout méchant ou tout gentil et moi j’aime de plus en plus observer dans les petites scènes de tous les jours, comment se mélangent tous ces gestes qui parfois font naître la guerre et ceux qui peuvent faire naître la tendresse.
le 8 Avril 2005